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Désigné coupable: Tahar Rahim, l’Arabe du futur - Le Figaro

CRITIQUE - Dans le film de Kevin Macdonald, l’acteur qui mène une brillante carrière à l’étranger interprète un détenu de Guantanamo.

Ces jours-ci, Tahar Rahim foule le tapis rouge au bras de Mylène Farmer et de Mélanie Laurent. Ça le change de Guantanamo. L’acteur, membre du jury cannois présidé par Spike Lee, est à l’affiche de Désigné coupable, en salle ce mercredi. L’histoire vraie de Mohamedou Ould Slahi, capturé par le gouvernement américain et détenu des années sans jugement ni inculpation. Le tournage et la sortie du long-métrage de Kevin Macdonald (Le Dernier roi d’Écosse, Jeux de pouvoir) ont été perturbés par le Covid-19. Sa programmation en plein Festival de Cannes est un clin d’œil à un autre film de prison, Un prophète , de Jacques Audiard. Récompensé du grand prix en 2009, il révèle Tahar Rahimaux yeux du monde.

L’acteur, qui réalisera le doublé aux César (meilleur espoir masculin et meilleur acteur), mène depuis une carrière française et internationale exceptionnelle. Pourtant, quand il reçoit le scénario de Kevin Macdonald, qui l’a déjà dirigé dans L’Aigle de la neuvième légion, Rahim a un mouvement de recul. «J’ai eu un petit coup de chaud-froid, se souvient l’acteur. En voyant le titre, Guantanamo Diary (“le journal de Guantanamo”), je me suis dit: “Oh là là, j’espère que ce n’est pas un rôle de terroriste arabe.” Le genre de chose que je refuse constamment. À une période, les propositions qui venaient des États-Unis, et de certains endroits d’Europe, tournaient toutes autour de ce sujet. Pourquoi pas, ces films ont leur raison d’être. Sauf que les personnages sont stéréotypés dans des films qui à mon sens ne posent pas de question. Ça ne m’intéresse pas, ça m’agace même. Désigné coupable est bien sûr très différent. Kevin est quelqu’un d’intelligent, fin. En lisant le scénario, je me suis rendu compte que je m’étais trompé.»

Tahar Rahim a ainsi refusé de jouer le rôle du terroriste torturé par la CIA (finalement interprété par Reda Kateb) dans Zero Dark Thirty, de Kathryn Bigelow, récit de la traque de Ben Laden. En revanche, il n’a pas hésité à accepter la série The Looming Tower, dans laquelle il est un agent du FBI libanais et américain tout près d’intercepter en 1998 les futurs auteurs des attentats du 11 Septembre.

Rencontre avec son modèle

Pour Désigné coupable, l’acteur a fini par rencontrer pendant le tournage en Afrique du Sud son modèle, Mohamed Ould Slahi. «Il est passé d’une prison avec des murs à une prison à ciel ouvert. En Mauritanie, le gouvernement confisquait son passeport jusqu’à il y a quelques mois. Il ne pouvait pas voyager, alors que sa femme, une avocate américaine, vit à Berlin avec son enfant. Les États-Unis ne le lâchaient pas et faisaient toujours pression sur les ambassades. Le seul pays qui acceptait de lui délivrer un visa est l’Afrique du Sud, sans doute à cause de son histoire, de l’apartheid. Il a ainsi pu venir nous voir. Un jour, je suis sorti de mon hôtel et je suis tombé sur lui. J’ai pu enfin prendre dans mes bras cette personne à qui j’ai parlé pendant des mois. J’ai eu le sentiment de rencontrer un membre de ma famille.»

Pour ces deux rôles, être arabophone a été un atout. Mais son principal passeport reste la pratique de l’anglais. «J’ai pris des cours pour The Looming Tower et passé beaucoup de temps aux États-Unis. Même chose pour Marie-Madeleine et Le Serpent, je reste au contact d’anglophones pendant des mois. Jouer en anglais me libère complètement. La musicalité change, le rythme, l’accentuation. Le visage, le corps même bougent différemment. Les émotions suivent. Je suis moins dans la retenue qu’en français. Notre langue a une fréquence basse, à la différence de l’anglais ou de l’italien.»

Les acteurs anglo-saxons grandissent pour être des performers complets. La plupart sont exigeants et rigoureux

Tahar Rahim

Dans Désigné coupable, Rahim donne la réplique à Jodie Foster (l’avocate Nancy Hollander) et à Benedict Cumberbatch (le lieutenant-colonel Start Couch). Il y a pire partenaire. «Les acteurs anglo-saxons grandissent pour être des performers complets. La plupart sont exigeants et rigoureux. Jeff Daniels m’a expliqué qu’un producteur américain pose deux questions à un agent: “Est-ce qu’il est ponctuel? Et est-ce qu’il connaît son texte?” En France, il y a plus d’affect.»

Tahar Rahim est à l’heure. Il est désormais très demandé et peut choisir ses projets en fonction du sujet ou du rôle. Pas du format, comme il l’a prouvé en tournant Le Serpent, minisérie dans laquelle il campe Charles Sobhraj, escroc et tueur en série français en Thaïlande dans les années 1970. «Il se passe maintenant des choses très intéressantes du côté de la série. Je me souviens de True Detective, un carton malgré sa noirceur. Ça n’aurait pas marché autant au cinéma. Pour moi, la plus grande série de tous les temps est The Wire. Quand je l’ai terminée, j’ai eu l’impression d’avoir vécu à Baltimore.» En terminant Le Serpent, on a l’impression d’avoir vécu à Bangkok. Et ce n’est guère plus réjouissant que les geôles de Guantanamo.

Désigné coupable, drame de Kevin Macdonald. Avec Tahar Rahim, Jodie Foster, Benedict Cumberbacht. Durée 2h09

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